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organisé par le Conseil local des jeunes
publié dans le bulletin municipal n°17 de décembre 2024.
Mon père et ma mère ont fui l’antisémitisme qui sévissait en Europe centrale, ils sont arrivés en France en 1930.
À cette période, on entendait déjà quelques bruits qui apparaissaient dans un certain nombre de pays : en Autriche et en Allemagne notamment. Mon père avait déjà fui l’Ukraine pour aller en Pologne, mais là-bas la montée de l’antisémitisme l’avait conduit à fuir vers la France. Pourquoi la France ? Pour un certain nombre de personnes qui sont d’origine juive (religieuse ou laïque), la France est le pays des droits de l’homme et de la liberté. Ils n’avaient donc aucune crainte à avoir.
Ensuite, mes parents se sont installés à Paris, rue Gambetta, dans le 20ème arrondissement.
Mon père était tailleur et ma mère était finisseuse. Ils menaient une vie agréable avec ma sœur aînée. Mon père était passionné par les jeux d’échecs et il jouait beaucoup pendant ses temps libres.
Le 15 mai 1941 ( je suis née le 4 août 1941), ils ont reçu un papier qu’on appelait le billet vert. C’était un recensement pour vérifier les papiers d’identité des juifs. Mon père était là depuis 1930, il travaillait, il avait une fille… il ne s’est pas posé de question, il est allé vérifier les papiers. Très respectueux, il s’habille convenablement pour se rendre à la convocation. Il dit à ma mère et à ma sœur d’aller se promener en attendant dans un grand parc de la Butte Chaumont.
Le recensement était organisé par la police française. Au début, seul les juifs étrangers étaient convoqués. Il y a eu 4 500 juifs de recensés et 90% d’entre eux étaient des hommes.
Mon père s’est donc rendu dans l’un des gymnases.
Il arrive, donne ses papiers, tout était en règle. On lui dit : « vous vous asseyez et vous attendez ». Il ne comprenait pas pourquoi il devait attendre. Les autres personnes qui sont arrivées avec lui étaient dans la même situation et ne comprenaient pas non plus. Ils ne savaient rien. Au bout d’un moment, on leur a dit que des autobus allaient venir les chercher et les amener dans le Loiret.
Mon père n’en voyait pas le but mais il s’avère que dans le Loiret, il y avait des camps d’internement. Ces camps permettaient « d’entreposer » les gens avant de les envoyer vers les camps d’extermination. Mon père a donc été envoyé dans un de ces camps et là a commencé un enfer pour lui.
Pendant ce temps, ma mère est revenue de cette promenade. Elle a vu un monsieur qui était devant l’entrée de l’appartement. Elle le reconnait, c’était le docteur Fleurot. Il a dit à ma mère qu’il ne fallait pas remonter dans l’appartement, il avait tout de suite compris ce qui se passait.
Il a proposé à ma mère de s’occuper de ma sœur Rachel, qui a huit ans, pour la cacher dans une famille. Ma mère ne comprenait pas mais à cette époque un enfant de huit ans pouvait avoir le même sort que mon père…
Ma sœur a été prise en charge par une famille de fermier, M. et Mme Suadeau en Vendée. Le docteur a trouvé un lieu pour héberger ma mère jusqu’à ce qu’elle accouche ensuite à l’hôpital Rothschild où une chaîne de résistance extraordinaire était déjà en place. Ce réseau de résistance a fait en sorte que les enfants juifs qui naissaient étaient déclarés morts(es), afin de les protéger, car ainsi, ils n’étaient pas enregistrés et ne pouvaient pas être suivis par l’administration française. Les enfants morts nés devaient ensuite être envoyés à la morgue… et là-bas des gens venaient les nourrir. On a appelé ces enfants « les enfants du salut ».
Ce stratagème n’a pas pu continuer longtemps car ça faisait beaucoup d’enfants mort-nés !
Il a fallu ensuite que ma mère sorte de l’hôpital avec son bébé pour rejoindre ma sœur en Vendée. Je n’ai pas réussi à savoir comment elle y est parvenue.
Lorsque ma mère arrive chez M. et Mme Suadeau, elle souhaite rester auprès d’eux, mais ils l’en dissuadent. Le couple de fermier qui a recueilli ma sœur avait déjà deux garçons qui avaient à peu près le même âge. Elle pouvait donc passer facilement pour leur fille, d’autant plus que la femme lavait du linge pour la Kommandantur dans le village où ils vivaient. Mais moi, il aurait été difficile de me faire passer pour leur enfant.
M. et Mme Suadeau ont donc fait appel au curé du village. Il trouve à ma mère et moi un petit 20 m² inoccupé pour nous abriter. Nous allons y vivre pendant quatre ans sans sortir. Il ne fallait pas trop faire de bruit et ne pas jouer, de peur que des gens entendent et le signalent à la Kommandantur ou à la police française. A cette époque, il y avait des gens courageux, comme ce curé ou M. et Mme Suadeau, mais il y avait aussi des gens qui dénonçaient…
Il y avait dans ce village, d’autre gens courageux, qui apportaient leurs tickets de rationnement au curé, pour nourrir ma mère car elle m’allaitait.
Lorsque la France a été enfin libérée, ma mère est sortie de ce lieu et a retrouvé ma sœur, puis nous avons pris le train pour revenir dans notre appartement à Paris.
Il y avait toujours de l’espoir malgré toutes les informations que nous entendions pour retrouver mon père. Ma mère pensait qu’il allait revenir.
Quand on est arrivé rue Gambetta, au niveau de notre appartement, ma mère avait bien sûr gardé les clés. Elle a mis la clé dans la serrure, mais elle ne passait pas. Elle est montée voir le docteur Fleurot. Celui-ci nous a dit qu’il y avait des gens qui occupaient l’appartement. On pensait qu’on n’allait pas revenir….
Le docteur s’est donc mis en relation avec une association qui nous a trouvé un petit appartement dans le 20ème arrondissement. Cet appartement était si petit, qu’il ne pouvait loger que ma mère et ma sœur. Ma sœur devait aller à l’école…il fallait donc me trouver une nouvelle famille d’accueil. Je suis donc partie à Gargenville dans une famille charmante. J’y suis restée jusqu’à l’âge de sept ans. Durant cette période, ma mère venait me chercher les week-ends. Nous allions à l’hôtel Lutetia car lorsque les déportés revenaient, ils passaient par cet hôtel. Ma mère montrait la photo de notre père à ces déportés qui revenaient. Un jour un monsieur s’est approché de ma mère et lui a dit « oui j’ai bien connu votre mari, mais je vous annonce qu’il en reviendra pas ». Cet homme a pris l’adresse de ma mère. Ce monsieur était un très gros fabricant de vêtements. Il a retrouvé ses ateliers et son appartement dans le quartier des Marais. Ce monsieur avait perdu sa femme et son fils pendant la guerre.
Il cherchait pour son atelier des finisseuses comme ma mère. Ma mère avait besoin de travailler.
Ils ont formé par la suite un couple, mon frère est né de cette union… la vie a continué.
*Ceci est une retranscription, il est possible que le texte comporte des nuances.
La vie avec les allemands
« En tant qu’enfant, on ne se figurait pas ce que c’était la guerre. On était content d’avoir du spectacle. En 1943, je vivais à Brest avec mes parents. J’ai failli me faire tuer en allant voir ma mère à la clinique où elle venait d’accoucher. Plus tard, pour nous protéger, je suis parti avec elle et mon petit frère. On a été réfugiés chez de la famille, à Guiclan. Mon père était obligé de rester travailler à Brest. »
Fernand, 10 ans en 44, Guiclan-la Poterie
« Il y avait deux soldats allemands à la maison. Ils avaient pris possession de la salle à manger mais je crois qu’ils dormaient dans leur camion. Ils ne faisaient pas de bruit. L’un était tailleur, l’autre coiffeur. Ils étaient sympas. On nous avait dit que le jour où ils partiraient, ils tueraient tout le monde. Un jour, ils ont aidé mon père à couper de l’herbe pour les chevaux. Celui qui était tailleur avait repris des sacs vides pour mettre le grain. Un autre jour, ils ont demandé à Maman s’ils pourraient goûter sa bouillie. Elle avait accepté. Je me souviens du nom de l’un d’entre eux, Aloïs. J’allais tous les jours avec les deux Allemands porter à manger à un prisonnier allemand qui était chez un voisin. Je ne sais pas pourquoi il avait été fait prisonnier par les autres Allemands. Il dormait au-dessus d’une étable, dans une auge, sur de la paille. Il était enfermé. J’avais pitié de lui. Je n’avais pas le droit de rentrer. »
Thérèse, 5 ans en 44, Guiclan
« Les soldats allemands étaient différents des SS. On n’avait pas peur d’eux. Ils avaient des enfants. Ils s’attachaient à nous. Quand ils tuaient un cochon, ils apportaient un rôti à notre mère. »
Fernand, 10 ans en 44, Guiclan-la Poterie
« J’étais pensionnaire à l’école Notre Dame des Victoires à Landivisiau. L’école, comme ailleurs, était occupée par moitié par les Allemands. A la fin de leurs études, les filles avaient des difficultés à trouver du travail, alors elles acceptaient de travailler pour les soldats allemands de l’école qui leur proposaient de faire la cuisine pour eux. Ils les payaient bien. Les sœurs étaient furieuses de voir travailler leurs élèves pour les Allemands. »
Lucie, 15 ans en 44, Commana
« En 43, il y a eu une rafle à Kerlaudy. J’avais 15 ans. Des résistants avaient coupé des fils téléphoniques sur la route de Kerlaudy. En pleine nuit, on a été réveillé par les soldats allemands. Ils cherchaient les responsables. Ils sont rentrés dans ma chambre en disant : trop jeune. Couché ! Ils sont allés dans celle de mon père : trop vieux, couché ! Mais un officier est rentré dans la maison et a ordonné que tout le monde sorte. Il n’y avait plus de trop vieux ni de trop jeune. On pleurait. On nous a conduits de Kerlaudy au bourg à pied. Nous étions une cinquantaine. Je me souviens qu’il faisait froid, glacial. Il y avait de la brume. Certains n’avaient pas eu le temps de s’habiller, ils étaient en chemise. On nous avait pris pour nous interroger. On nous prenait pour des maquisards. J’avais très peur. J’ai été interrogé le dernier. J’avais la trouille. Heureusement que je ne savais rien car est-ce que j’aurais su me taire ? Ensuite, on a été libéré. «
Yffic, 17 ans en 44, Plouénan-Kerlaudy
« Il ne faut pas confondre les soldats allemands et les SS. Les soldats étaient souvent pères de famille. A la fin de la guerre, les soldats étaient de plus en plus jeunes (17-18 ans). Il y avait des pertes avec la guerre. »
Fernand, 10 ans en 44, Guiclan-la Poterie
« Je me souviens d’un allemand qui avait une vipère autour du cou. Ça faisait peur aux filles.
A Ploun’, y’avait une vieille dame qui allait rejoindre un groupe de résistants dans les bois pour leur apporter à manger dans un pot.” Marie-Thérèse ,10 ans en 44, Plounéour-Ménez – Kerguz
« A Pontoise, il y avait une grosse caserne d’Allemands. Quand on entendait la sirène, tout le monde allait aux abris. Parfois les cours d’école se passaient plus aux abris que dans la classe. »
Madeleine, 14 ans en 44, Pontoise
« J’habitais au Relecq-Kerhuon avec mes parents et mes deux sœurs. Les Allemands bombardaient Brest, l’île Longue, là où on fabriquait des munitions. Souvent, les bombes tombaient à côté de leur cible. Il y a eu beaucoup de victimes parmi les civils. Nous étions souvent réveillés au milieu de la nuit. Nous allions nous réfugiés dans des abris, de vieilles maisons qui nous semblaient plus solides. Nous avions peur. Les voisins étaient avec nous. Ça nous rassurait. Des gens autour de nous ont eu des éclats d’obus.
Pour ne pas donner de traces aux avions, nous devions camoufler nos fenêtres le soir. La défense passive passait pour vérifier que tout était clos.
Le 15 août 1944, on a été obligé de partir nous réfugier dans de la famille à Dirinon. Il y avait trop de bombardements sur Brest. »
Marie-Thérèse, 15 ans en 44, le Relecq-Kerhuon
Les prisonniers de guerre
« Mon père a fait la guerre de 39. Il a été fait prisonnier. Il travaillait dans une ferme. Il mangeait des épluchures. Il n’était pas bien traité. Il avait 26 ans. Il n’en parlait pas. »
Annie, Plounéour-Ménez
« Mon père, prisonnier de guerre, s’était évadé avec un autre en 42. Ils se sont cachés de longs mois de ferme en ferme. Les Allemands les cherchaient. On avait peur pour eux. Ils sont restés amis longtemps après la guerre. Son compagnon venait aussi de Landivisiau. »
Jeanine, 9 ans en 44, Landivisiau-Kerver
Avant la libération
« Je ne m’étais pas douté que c’était la fin de la guerre. Je ne savais pas que le débarquement avait eu lieu. »
Fernand, 10 ans en 44, Guiclan- la Poterie
« A Landivisiau, j’écoutais les conversations des adultes. On sentait qu’il se passait quelque chose. »
Jeanine, 9 ans en 44, Landivisiau-Kerver
« Tout le monde n’avait pas de TSF pour se tenir informé »
« L’électricité est arrivée juste avant la guerre dans les bourgs. On pouvait acheter et écouter des TSF. Pendant la guerre, on se rassemblait pour écouter Radio Londres. Ce n’était pas le cas dans les campagnes. »
« Pendant la guerre, on allait à travers champs au bistrot à Ste Brigitte pour écouter la TSF (discrètement). »
Marie, 11 ans, Saint Thégonnec-la Boissière
« Nos parents nous cachaient beaucoup de choses pour ne pas nous effrayer. Et puis, pour ne pas qu’on répète ! »
Jeanine, 9 ans en 44, Landivisiau-Kerver
« Les Allemands avaient réquisitionné les charrettes et les chevaux. Pour amener des canons à Brest. Mon père avait caché les chevaux dans les champs. Les Allemands étaient furieux à ce moment-là. Ils sentaient qu’ils perdaient la guerre. »
Jean-Yves, 7 ans en 44, Saint Thégonnec
« Je me souviens que mon père s’était caché avec son cheval de peur que les Allemands ne partent avec. J’allais toute seule lui apporter à manger. »
Marie-Françoise, 4 ans en 44, Landivisiau
« J’ai vu les Allemands occuper la cour de la ferme. Ils avaient une cuisine roulante pour faire à manger. Un beau jour, ils sont subitement partis. Ils avaient reçu pour ordre de défendre Brest. Ils sont partis en bon ordre. Ils n’avaient rien laissé derrière eux. Les troupes américaines approchaient. »
Fernand, 10 ans en 44, Guiclan
« Une nuit de brume, j’étais à la fenêtre avec ma mère quand on a vu des soldats passer devant la fenêtre. On savait que les américains arrivaient. On a crié : Vive les Américains ! Et puis, j’ai vu qu’ils avaient des chevaux, même des vélos. J’ai fait part de mes doutes à ma mère : si c’était les Américains, ils seraient armés jusqu’aux dent. Des Américains avec des chevaux, c’est pas possible… C’était des Allemands, ils étaient en perdition. Un vieil homme était sur le pas de sa porte et criait : Vive les Américains ! Un officier allemand s’est approché de lui et lui a crié : Vous, couché ! Et il lui a mis une claque. Avec ma mère, on s’est ramassé. »
Yffic, 17 ans, Plouénan-Kerlaudy
« J’habitais Coutances en Normandie. Après le débarquement, tout le monde était descendu sur les grands boulevards pour voir passer les Américains. Maman lavait son linge. Nos locataires lui disaient d’aller voir avec eux. On a attendu une ou deux heures. Tout à coup, des gens sont passés derrière nous pour nous dire de partir car des Allemands suivaient les Américains. Il y avait des batailles. »
Jeanne, 14 ans en 44, Coutances
Le 4 aout 44, après avoir cru (par méprise) que les Alliés arrivaient à Saint-Pol-de-Léon, des habitants avaient manifesté leur joie. Un détachement des troupes allemandes, toujours en place et ulcéré par cette liesse précoce, a fait payer un lourd tribut à la ville en arrêtant plusieurs personnes dont le maire, Alain de Guébriant.
« Mon oncle faisait partie des otages de St Pol de Léon le 4 aout 1944. Il faisait partie des 14 jeunes. Ce n’était qu’un adolescent. Il a attendu avec les autres otages dans la rue, puis il a été relâché vu son jeune âge. 25 personnes ont été tuées ce jour-là. Il n’en avait jamais parlé. C’est sa nièce qui l’avait découvert par hasard lors d’un discours du maire de St Pol des années plus tard. »
Marie-Françoise, 3 ans en 44
« J’étais à l’école avec les frères Guilcher. C’était des amis. Ils ont été arrêtés tous les deux à St Pol-de-Léon. Mais Jacques a réussi à s’échapper car le fusil du soldat s’est enraillé. »
Yffic, 17 ans, Plouénan-Kerlaudy
L’arrivée des Américains
« Je vivais à Plounéour-Ménez, à Ti Névez qui est devenu ensuite la rue de la Libération. Je me souviens du bruit assourdissant des chenilles des chars américains qui passaient sur les rochers. Dans le village Me Gleuz, il reste même des traces.
Je me souviens de la couleur de peau des Américains. C’est la première fois que je voyais un homme noir. Je me souviens que je serrais très fort la main de ma mère parce que j’avais peur. Puis ils nous ont donné des chewing-gums et du chocolat, ça m’a rassuré. Ils avaient l’air méchant au départ. Ils étaient méfiants, ils ne venaient pas vers nous car ils étaient inquiets, ils avaient peur des tirs des Allemands. Ils n’ont fait que passer. Le chewing-gum, ça colle aux dents ! C’était bizarre. »
François, 4 ans, Plounéour-Ménez-Ti Névez
« Le signe V était le signe de la victoire. Ça a été mis partout où sont arrivés les américains. Chez Lucie, le signe V est resté. Quand les américains sont passés tout le monde faisait la fête au bar Abgrall. Churchill faisait le signe de la victoire après chaque discours. »
« Je faisais la moisson le 6 aout 44. J’ai eu du tabac avec les Américains mais j’ai arrêté de fumer ! »
Maria,18 ans en 44, Guimiliau
« Je me souviens d’avoir vu un groupe de soldats passer devant la maison. Ils avaient de drôles de têtes. Ce n’était pas des Allemands. Ceux-là on avait l’habitude. On avait un peu peur d’eux. »
Marie-Thérèse ,10 ans en 44, Plounéour-Ménez- Kerguzh
« Je me souviens avoir apporté un pot de lait avec une louche aux Américains avec ma mère. Ils ne voulaient pas traverser la ville. Ils allaient à Brest par les petites routes et venaient de St Pol de Léon. »
Marie, 4 ans en 44, Landivisiau – Kerver
« Quand les Américains sont arrivés, on était tous très heureux. Je me souviens avoir lancé mes fleurs au premier char. Je me suis dit que j’aurais dû en garder pour les suivants. »
Jeanine, 9 ans en 44, Landivisiau- Kerver
« Quand les Américains sont passés, j’étais avec ma famille et j’étais très heureuse. »
Herveline, 9 ans en 44, Guiclan-Locmenven
« J’étais sur le bord de la route. J’ai reçu mes premiers chewing-gums. Une dame est venue avec trois orphelins et a fait croire que c’était ses enfants pour avoir plein de cadeaux. »
Thérèse, 5 ans en 44, Guiclan
« Les Allemands avaient fui St Thégonnec en passant par Plounéour-Ménez. Les Américains sont arrivés peu de temps après. Ils sont passés devant chez moi, à la Boissière. Mes parents ont eu peur au départ que les Allemands soient revenus et qu’ils prennent mon frère aîné. Ils lui ont dit d’aller se cacher derrière un tas de paille. Quand mes parents ont su que c’était les Américains, ils ont pris un seau de lait pour leur apporter. Ils leur ont donné des chewing-gums et du chocolat en échange. Mon beau-frère était prisonnier de guerre. On disait “ maintenant, il va revenir ! »
Marie, 11 ans en 44, St Thégonnec-la Boissière
« Je me souviens que tous les enfants jouaient dehors lorsque les Américains sont arrivés. C’étaient les vacances. Lorsqu’ils ont vu les chars, toute la population s’est précipitée sur la route. Les Américains ont dû s’arrêter pour ne pas écraser les enfants car ils couraient partout. Ils nous ont lancé des chewing-gums, du chocolat et des savonnettes roses. Les femmes les ont récupérées. À l’époque, on faisait son savon soi-même. Ils se sont arrêtés un quart d’heure mais ne sont pas descendus de leur char. On leur a donné du lait. Les chars se sont arrêtés plus loin dans les champs avant de repartir. »
Fernand, 10 ans en 44, Guiclan
« On avait entendu le bruit de loin. Tout le village était venu sur la route. On était tous heureux. Les Américains venaient de Sainte Brigitte et allaient vers Guimiliau. Ils se sont arrêtés. Ils donnaient du chocolat. On trouvait drôle.
On avait su que les Américains allaient arriver. Ils allaient vers Brest. On voyait les escadrilles d’avions passer par bande de dix. Le bruit était infernal à Brest. On entendait les bombes du Ruskeg. Les Alliés bombardaient Brest en attendant l’arrivée des Américains. Il y avait des réfugiés de Brest qui sont venus à la campagne car on leur avait dit que Brest serait bombardé. »
Jean-Yves, 7 ans, St Thégonnec, Rusquec
« Je me souviens d’avoir apporté des œufs à St Jacques aux Américains avec mon père. En échange, ils nous avaient donné du chocolat. »
Marie, 7 ans en 44, Guiclan
« Une colonne américaine est arrivée à Saint-Thégonnec par le pont en bas de Leinbahu. Ce pont s’est écroulé au passage des chars et a pu être très rapidement remplacé par le Génie.
Une autre colonne est passée par le Vallon du Pont en descendant la route qui vient de Pleyber-Christ. C’est là que je me suis rendu pour les voir, accompagné de ma sœur plus âgée. Il y avait de la poussière partout et les tanks défonçaient les routes. Mais, au bout d’un moment, il y a eu des échanges de tirs entre soldats allemands et américains. On avait entendu parfois des tirs au loin entre Résistants et Allemands du côté des Monts d’Arré. Les entendre là, tout près, nous a fait peur. Ma sœur et moi sommes rentrés en courant à la maison à Lezkoad. J’ai été grondé par ma sœur parce que je ne l’avais pas attendue. Je courais plus vite qu’elle.
J’ai su plus tard par mon père que les tirs avaient eu lieu entre une automitrailleuse américaine et un camion allemand de la Croix Rouge, enfin supposé de la Croix Rouge qui venait de la direction du bourg de Saint-Thégonnec et allait vers le Vallon du Pont. Il était interdit de tirer sur les véhicules de la Croix Rouge, mais les Allemands avaient peint une Croix Rouge sur plusieurs de leurs camions même s’ils étaient armés comme celui-ci qui avait une mitrailleuse et des canons. Certains soldats allemands ont voulu s’échapper, ils étaient armés et cinq ou six d’entre eux ont été tués.
Quelques jours après, les Américains ont entassé à Morlennoù et dans un des champs de mon père à Kroaz Kreiz des tas énormes, des centaines et beaucoup plus sûrement de bidons d’essence de 20 litres. Le champ était plein. Pas des jerricans, mais des bidons carrés. Ils ont servi à approvisionner tous les véhicules américains, car ils consommaient beaucoup d’essence, surtout les tanks ! Plusieurs de ces bidons vides sont restés sur place et ont été récupérés par les gens. Ils ont été découpés et les plaques de tôle ont été utilisées pour faire une sorte de bardage aux granges et aux hangars dans les fermes. Un bon marteau et des pointes et ça faisait l’affaire ! On les recouvrait de coaltar noir après pour empêcher la rouille ! »
François L.B., 14 ans en 44, St Thégonnec
« Les Américains laissaient du bourrier (des déchets) derrière eux. En face de chez nous, il y en avait un. On y trouvait des boites de conserves, des matelas, des vêtements, un peu de tout et même des moteurs Bernard ! Les gens allaient fouiller dans les poubelles pour récupérer des trucs. Tout était récupérable, les gens n’avaient rien. Ils venaient de très loin (St Sauveur etc.). Ils restaient même manger en attendant le passage des camions qui ramenaient le bourrier. (Gwazh C’has).
Les Américains échangeaient leurs boîtes de conserve (fruits, viande etc.) contre des œufs et du beurre. On faisait du troc ! »
Jean-Yves, 7 ans en 44, St Thégonnec
« Quand les Américains sont arrivés, nous avons su que la guerre était finie. Nous étions heureux. Nous sommes retournés chez nous. Il y avait du désordre, les maisons avaient été visitées. »
Marie-Thérèse, 15 ans, le Relecq-Kerhuon
La joie
« J’étais euphorique en entendant le bruit impressionnant des chenilles des chars ! »
Jean-Yves, 7 ans en 44, St Thégonnec
« À Commana, le jour de la libération, plein de gens sont venus au bourg pour faire la fête. On chantait, on s’embrassait, on défilait en chantant. On savait que les prisonniers allaient revenir. »
Lucie, 15 ans en 44, Commana
« On était tellement heureux. Les anciens sont partis boire, pas qu’un coup ! Ça chantait en breton. Il y avait de bons chanteurs dans le village. Nous les enfants, on n’avait pas trop conscience de tout ça mais on était heureux. »
Jean-Yves, 7 ans en 44, St Thégonnec
« A Guiclan, après la Libération, je me souviens qu’on avait promené Notre Dame de Boulogne dans les villages. Je suivais le cortège. Certaines personnes marchaient pieds nus. D’autres à genoux. »
Thérèse, 5 ans en 44, Guiclan
Les accidents
« Dans les Monts d’Arrée, les Allemands étaient cantonnés au Roc’h Trévézel. Ils tiraient sur les chars américains. Deux ou trois tanks avaient été brûlés. Ils sont restés sur place avec les grenades à l’intérieur. Des enfants étaient venus jouer. Une grenade a explosé. L’enfant est rentré chez lui en tenant ses tripes. Il a été opéré et s’en est sorti. »
François, 4 ans en 44, Plounéour-Ménez
« A la Libération, avant de repartir vers Brest. Les Américains avaient fait une pause dans les champs. Quelques jours après leur départ, j’avais vu un tas de choses qui trainaient, que les Américains avaient laissées derrière eux : des grenades, des obus, des tentes etc. Ils n’étaient pas ordonnés comme les Allemands. Ils étaient excusables car il fallait faire vite pour aller à Brest. Mais c’était dangereux. Les enfants jouaient avec ça. Il y a eu des accidents. Les gens venaient récupérer des choses aussi car à l’époque on n’avait rien. »
Fernand, 10 ans en 44, Guiclan-la Poterie
« Pendant la guerre, l’école publique avait été occupée et les enfants n’y allaient plus. A la Libération, ils sont venus faire la fête dans leur école. Ils ont trouvé plein de choses. Il y avait un explosif. Il y a eu une explosion. Des enfants ont été tués. »
Lucie, 15 ans en 44, Commana
« Les enfants voulaient voir comment ça fonctionnait. Ils vissaient, dévissaient. Beaucoup ont été tués comme ça. »
Jeanine, 9 ans en 44, Landivisiau – Kerver
« On avait suivi des plus grands de 14-15 ans, réfugiés de Brest. Ils faisaient du feu et ils lançaient des cartouches dedans avant de se cacher derrière les talus. On ne sait pas comment on a survécu ! »
Jean-Yves, 7 ans en 44, St Thégonnec
« On avait peur des munitions laissés par les Allemands dans les maisons. Il y avait des éclats d’obus partout, dans la ville, dans les champs. On les ramassait pour se souvenir. »
Marie-Thérèse, 15 ans en 44, le Relecq-Kerhuon
Les exactions
« Je me souviens des jeunes filles qui avaient été tondues car elles avaient été avec des Allemands. Je me souviens que nous suivions de maison en maison. J’ai honte de ça. J’étais avec mes amis et on suivait les plus anciens. Ils les tondaient chez elles, devant nous. Ça m’a marquée. J’ai toujours le visage de deux jeunes filles. Après, elles ont pu vivre “normalement”, elles se sont mariées. C’était honteux de faire ça. »
Marie, 12 ans en 44, Carantec
« Deux de mes amies ont été tondues. Je me souviens que deux autres femmes ont failli l’être mais le père est arrivé furieux et a défendu ses filles. Il les a sauvées. Il a prouvé qu’elles n’avaient rien à se reprocher. C’était d’ailleurs souvent le cas. L’une des filles tondues tenaient un bar où les jeunes Allemands aimaient aller. C’était son seul tort. »
Yffic, 17 ans en 44, Plouénan-Kerlaudy
« On avait vu six prisonniers allemands passer devant chez nous à Coat Meur. On savait qu’ils allaient être fusillés. On était trois ou quatre. On les a suivis en se cachant jusqu’à une carrière. On s’est caché pour regarder. On savait qu’on n’avait pas le droit. On était au pied de la carrière et on a tout vu. »
André, 7 ans, Landivisiau
« A la fin de la guerre, quelques filles qui travaillaient pour les Allemands ont été tondues à Landivisiau. »
Lucie, 15 ans en 44, Commana
« J’ai vu tondre des femmes à Landivisiau, en public. Elles étaient considérées comme collaboratrices. On ne se rendait pas compte. »
Fernand, 10 ans en 44, Guiclan
Les prisonniers allemands
« Les soldats qui étaient fait prisonniers étaient regroupés et certains ont été embauchés dans les fermes. Le dernier est resté jusqu’en 1947. »
« Après la prise de Brest, en septembre 1944, j’ai vu pendant plusieurs jours vers 5 heures de l’après-midi, passer près de chez moi des camions américains qui venaient amener des prisonniers allemands dans des camps du côté de Sainte Brigitte et tout autour. Quatre à cinq camions à la fois. Les prisonniers étaient mis derrière des grillages, sans cabane pour s’abriter… Il y a eu plusieurs milliers.
A la fin de la guerre, mon père qui était cantonnier, a eu quelques prisonniers allemands dans son équipe pour entretenir les chemins de la commune. Ils étaient logés sous la mairie. Il y avait une porte au pignon de la mairie d’aujourd’hui. D’autres prisonniers ont travaillé dans des fermes. Près de chez moi, au Kef il y en a eu un. »
François L.B., 14 ans en 44, St Thégonnec.
« Il y avait un prisonnier Allemand qui travaillait dans ma ferme, à St Thégonnec. J’avais 8 ans en 44. J’avais un petit frère. Ils nous parlaient souvent de son fils en Allemagne. Il avait hâte de le retrouver. Il était très gentil. »
Aline, 8 ans en 44, St Thégonnec
« En attendant la fin de la guerre et le retour des hommes prisonniers en Allemagne, les prisonniers allemands (souvent agriculteurs chez eux) les remplaçaient. »
Marie, 4 ans en 44, Landivisiau – Kerver
« Il y avait un prisonnier dans notre ferme au Ruskeg. Il s’appelait Adolphe Bender. Il avait deux filles : Agathe et Hildegarde. Elles avaient le même âge que nous. Le soir, il retrouvait les autres prisonniers dans une baraque. Ils étaient trois ou quatre. Ils avaient hâte de rentrer chez eux. »
Jean-Yves, 7 ans en 44, St Thégonnec
« Il y avait un camp de prisonniers à la gare. Tous les champs autour avaient été réquisitionnés. Il y avait 5000 prisonniers. Ils ont été libérés à la fin de la guerre. Avec mes amis, on était fripons ! On allait jouer à côté du camp. On n’avait peur de rien. Les Américains ne voulaient pas qu’on reste là. Ils surveillaient les Allemands. Ils nous avaient fait peur avec leurs mitrailleuses. »
Jean-Yves, 7 ans en 44, St Thégonnec
Le retour des prisonniers
« J’avais des oncles prisonniers. Lorsqu’ils sont revenus, on a tué le cochon. Tout le monde a été invité pour faire la fête. Ça faisait 5 ans que mes tantes attendaient leur retour. »
Lucie, 15 ans en 44, Commana
« J’allais à la messe pour prier pour tous les prisonniers de guerre et toutes les personnes qui y sont allées. »
Jeanine, 9 ans en 44, Landivisiau – Kerver
Le 6 août 1944, la ville de Saint-Thégonnec fut libérée. A l’occasion des 80 ans de la Libération, nous avons recueillis quelques témoignages des résidents et de quelques personnes âgées de Saint-Thégonnec et de différentes communes. À l’EHPAD Sainte-Bernadette, les personnes qui ont connu la libération étaient pour beaucoup très jeunes en 1944. Elles étaient des adolescents, souvent des enfants.
Nous vous présentons également des témoignages datant de 10 ans que nous avions recueillis auprès des résidents de l’époque. Ces témoins de la Libération étaient à l’époque plus âgés. Ils avaient une vision souvent différente des évènements et ont pu avoir une «implication» plus importante lors de la Libération.
Nous remercions chaleureusement les personnes d’avoir accepté de partager leurs souvenirs.
Témoignage de M. Bodros
« J’étais jeune mais on est marqué par des faits extraordinaires. J’avais 9 ans en 44.
Les Allemands étaient mauvais depuis le débarquement. Les gens se tenaient à carreau. Je me souviens qu’à la fin de l’année scolaire, je revenais de l’école Ste Marie avec des copains. On descendait par le bourg. Il y avait une tente allemande où les Allemands se restauraient. Il était 17H. Les plus grands m’ont dit de prendre le camembert qui était resté sur la table. J’y suis allé mais une sentinelle m’a vu partir. Elle m’a dit halte. J’ai entendu sa culasse « crac, crac ». Je pense que je n’étais pas loin du record de course. J’ai grimpé la côte. Je pense que l’Allemand voulait me faire peur. Je n’ai même pas apprécié le camembert !
Le dimanche 6 août, je me souviens de l’après-midi. On s’apprêtait à aller à Kerdro chez Louis Pouliquen. Ils avaient la radio et nous voulions écouter radio Londres. Les vélos étaient prêts : père, mère et moi. En sortant de la cour, on a entendu un grand bruit à Kroaz-Sav-Heol. Ma mère avait pensé à un bruit de moissonneuse batteuse avec une roue en fer. La route était empierrée. Les convois américains ne prenaient pas les grands axes pour aller sur Brest pour prendre un peu de revers les Allemands qui les attendaient sur la route nationale. Ceux-ci venaient du nord mais d’autres arrivaient du sud. En les voyant passer, on les a acclamés. Nous étions au bord de la route. Ils nous lançaient des cigarettes, des bonbons, des chewing-gums. Le chewing-gum, on ne savait pas ce que c’était mais l’arôme nous disait qu’on pouvait le mettre dans la bouche. A force de mâcher, on a compris que ça restait dans la bouche, que c’était un bonbon qui durait. Ça collait partout ! Le défilé des Américains a duré 24 heures.
Les Allemands étaient positionnés à Sainte-Sève, au Klopinou, pas loin de là où se trouve le château d’eau aujourd’hui. Les Allemands voyaient la poussière et ils suivaient les Américains comme ça. La ferme où j’habitais, la Palud, était très visible de là-bas. C’était comme un point de repère. Les Allemands tiraient des coups de canons. Au départ, ils tiraient n’importe comment, pour faire peur. C’était du harcèlement. Le lendemain, il y a eu encore plus de coups de canon. Mon père avait compté 46 ou 48 trous d’obus autour de la maison dont un obus dans la maison.
Ce lundi-là, un peintre était venu faire la peinture dans la cuisine. On était donc en train de manger dans la salle à manger. Les Américains nous ont fait partir. Ils avaient pris position autour pour se battre avec les Allemands. Avant qu’ils prennent position dans la ferme, mon père avait été avec un officier américain pour lui faire voir d’où tiraient les Allemands sur une carte d’état-major. Après un moment de méfiance (mon père était-il dans leur camp ou non ?), il lui avait fait confiance. Mon père avait sorti ses vaches en catastrophe (une dizaine, à deux kilomètres à travers champs). Un obus est tombé sur la crèche. Un poulain de 2 ans, futur étalon, a reçu un éclat dans l’oreille. Entre les deux chevaux de labour, il y avait une stalle. L’obus a explosé la stalle sans blesser les chevaux. Un autre obus a explosé le mur derrière le buffet de la belle vaisselle. Le buffet a traversé la salle et est sorti dans la cour par la porte fenêtre. De la vaisselle il n’est resté qu’un petit verre. Aucune fenêtre ne fermait plus.
Les Américains avaient pris position dans les champs. Heureusement, la moisson avait été récoltée. Quelques conducteurs de tanks américains s’amusaient à passer entre les javelles de la moisson. Plus tard, les obus enfouis dans les champs abîmeraient les machines agricoles.
Ma grand-mère maternelle était assise sur une chaise sous un châtaignier dans la cour, à 50 m où on regardait les Américains passer lorsqu’un obus est tombé sur l’arbre. Mon père ne voyait plus ma grand-mère. Elle était toujours sur la chaise mais avait reçu deux éclats d’obus dans le dos. On l’a emmenée à Ti-Du et le docteur Inizan l’avait opérée sans anesthésie.
Les obus ont commencé à tomber de plus en plus rapprochés. On a quitté la ferme ma mère et moi. Ma sœur était partie à Coat Pin avec Georges Paugam. Ils étaient plus abrités dans les bois. Un obus est tombé dans le verger sur un pommier à proximité de la route. Un Américain qui était dans son char, la tête sortie, a eu la carotide tranchée. Mon père l’a sorti. Il a arrêté une ambulance mais il était déjà mort. Il nous a affolés quand il nous a rejoints à Kérélon près de Ti-Du. On est venu passer la nuit chez une tante, dans le bourg. Les gens du bourg attendaient que les Américains viennent dans Saint-Thégonnec.
Les Pouliquen de Kerdro, Louis et son frère Jacques, sont allés couper les fils téléphoniques des Allemands à Kroaz-Sav-Heol. Une voiture allemande venant de Sainte-Séve a voulu franchir le convoi américain au moment où les deux Pouliquen étaient sur le poteau téléphonique en train de couper les fils. La voiture a stoppé. Un char américain s’est arrêté au milieu de la route pour tirer. Les Allemands ont pris les deux Pouliquen mais finalement, ils les ont laissés et ils se sont sauvés. Louis avait 23 ans et Jacques 17 ans.
Quand on a pris la route de Kergalan, ma mère et moi, les Allemands nous ont pris pour des Allemands. On nous a tiré dessus à la mitrailleuse. On s’est jeté dans les fougères. Ils ont fini par se rendre compte que c’était juste une femme et un jeune garçon.
Le mardi, on est revenu à la ferme et on a repris une vie normale. On est marqué par la guerre. Mais la vie avant tout. On était content d’être en vie.
Un char américain avait été déchenillé par un obus. Il est resté une quinzaine de jours au bord de la route avant que les Américains ne viennent récupérer les obus. Je me rappelle avoir joué dedans.
Pour moi la libération, c’était la fin des privations. J’avais appris le goût du chocolat, du chewing-gum, des bonbons. J’ai fumé une cigarette par jour à 9 ans. »
Témoignage de M. Charlou F.
« On a vu les Américains arriver par le Vallon du Pont et passer à côté de chez nous à Restlouet. Ils ont défilé pendant 2 ou 3h au moins !
Là les Allemands ont essayé de les attaquer mais les Américains ont riposté aussitôt et les ont écrasés. Il y a eu 5 ou 6 Allemands tués ce jour-là. J’avais 12 ans et je me souviens qu’on m’a tiré fortement pour me mettre à l’abri dans les broussailles du talus.
Je me souviens aussi que les avions allemands mitraillaient les trains à la gare. Il fallait couper les voies de communication.
Les prisonniers : On les a entassés dans les baraquements à côté de la gare. On allait les voir … ces baraquements avaient été édifiés par les Américains en 1916… ils ont servi de magasin pour les anglais avant 40. En 40 quand la guerre a été perdue ils sont partis brusquement en abandonnant toutes les réserves. Les gens se sont servis et même ceux des alentours venaient aussi avec des charrettes. Il y avait de tout et il y avait du rhum destiné aux fantassins anglais qui allaient au combat. On l’appelait le Churchill ; il en reste des bouteilles un peu partout sûrement.
D’autres prisonniers ont été placés dans les fermes à la demande des mairies. Ils venaient faire un « travail d’intérêt général » en quelque sorte. Le soir, je sais qu’ils se réunissaient dans un ancien corps de ferme à Restlouet. Je me souviens qu’il en avait un qui était sympa et qui est revenu 30 ans après…
Après la victoire de Stalingrad, ça sentait le roussi pour les Allemands. Alors début 44 ils avaient réquisitionné le château de Quélennec et aussi une partie de la ferme de Restlouet. Il y avait 7 ou 8 Allemands en permanence dans la ferme et il y en avait même un qui était dans ma chambre. En échange j’avais du pain de de la confiture au petit déjeuner ; ils sont restés 6 mois, on avait de bons rapports. Ils avaient leur intendance et l’infirmerie à Quélennec et je me souviens que mon frère s’était blessé et qu’ils l’avaient soigné. On a senti le remue-ménage début juin ils se préparaient pour aller au front de Normandie. Ils pleuraient parce qu’ils savaient qu’ils allaient au casse-pipe. Ils ont dû rester une quinzaine de jours après le débarquement… ça nous faisait mal au cœur. Les subalternes, ils étaient victimes comme nous. Un Allemand a même annoncé discrètement à mon père qu’ils seraient remplacés par des SS ! Heureusement qu’ils n’ont pas eu le temps d’arriver… ç’aurait été bien pire avec eux ! »
Témoignages de Mme G. et M. K., frère et sœur
« Je me rappelle très bien. J’avais 15 ans. C’était un dimanche. Je revenais de la messe avec ma famille et d’autres. En bas de Bel Air, on nous a dit que les Américains arrivaient. Je rentrais chez moi à Penn an Neac’h. Je les ai vus passer devant moi à Kroaz-Sav-Heol. Ils étaient nombreux. Ils se sont arrêtés, nous ont donné du chocolat, des cigarettes anglaises. Il y avait des chars. J’ai pensé : maintenant, c’est fini la guerre. Tout le monde était heureux autour de moi. »
Mme G.
« On venait de prendre notre bain à la rivière avec des copains comme tous les dimanches. Je revenais à la maison à travers champs. En montant la côte, j’ai entendu du bruit : c’était les Américains. Ils ont monté à Gozhrouet. »
M. K.
« Le dimanche soir, on est parti se cacher en bas de la côte qui donne sur Pleyber, à côté de Kroaz-Sav-Heol à Roch Louis. Ma mère ne voulait pas rester dormir à la maison. On avait peur des bombardements. Seul mon père était resté garder la maison avec un commis. Il y avait d’autres familles à Roch Louis aussi. Une femme avait oublié la boîte avec ses sous sur le mur de son étable. Je suis retourné l’accompagner ».
M. K.
« Le matin, j’étais retournée à la maison pour traire les vaches avec mon père tandis que les autres sont restés. »
Mme G.
« Au matin, j’ai été au bourg pour chercher du pain. Il n’y avait personne dans les rues. Le lundi, ça bardait dur. On a reçu des tirs de mortiers venu de Sainte-Sève. Cinq obus sont tombés dans le champ pas loin de la maison. Les Américains avaient creusé chacun leur trou pour se cacher et dormir dans notre champs d’avoine et attendaient. Le champ avait été saccagé. »
« Un camion allemand avait été pris sous le feu des Américains et a brulé. Les Allemands en sont sortis et ont rejoint Sainte-Sève à travers champs. »
Témoignage de Mme Kerscaven, cousine d’une Saint-Thégonnécoise
Moi j’étais dans le département de l’Eure, à côté de Mantes. Les parachutistes, on les voyait ! Les Allemands couraient dans tous les sens. Ils ne les trouvaient pas parce que les habitants les cachaient.
Je me souviens de Marie Madeleine qui a été médaillée. Elle sortait le soir pour soi-disant aller voir son copain. Les Allemands disaient « pas bien Marie Madeleine ! »
En fait c’était pour avoir les paniers de provision pour les parachutistes qu’elle cachait.
On entendait à la radio les Américains sont à Mantes… Ils sont arrivés et ont déplié un pont sur la Seine en 25 minutes ! Mais ils n’ont pas pu aller plus loin… on nous disait que les Allemands étaient revenus puis repartis, il y avait des bruits de toutes sortes !
La division Leclerc est arrivée si vite que la logistique ne suivait pas. Ils n’avaient plus que des conserves qu’on échangeait contre des légumes, des tomates des fruits. Le contenu du casque. La grand-mère ne savait pas, on ne lui disait rien…
Une fois un parachutiste est tombé dans le jardin ! Evidemment les Allemands sont arrivés ; tout le monde disait « Bravo Tommy ! Bravo Tommy !
En 44 à Vernon il fallait se méfier des Allemands désignés pour le front russe. Il ne valait mieux pas circuler en ville … ils buvaient parce qu’ils noyaient leur peur et devenaient dangereux à ce moment-là. Ils savaient qu’ils mourraient sûrement là-bas.
Jusqu’en mai 45 dans les Ardennes ils ont eu du mal avec les Allemands… la guerre ne s’est pas arrêtée avec le débarquement !
J’étais institutrice en 44 mais je n’ai pas pu rentrer chez moi du 1er janvier 44 au 24 décembre ! Il n’y avait plus de trains ! Et mon père avait même dû appeler un taxi pour me faire venir de Morlaix à Saint-Thégonnec.
Les gens étaient solidaires pendant la guerre. Sinon les gens seraient morts de faim. Mais après … pourtant il y a eu des cartes d’alimentation jusqu’en 48 – 49 ; on avait à manger dans les fermes c’est même là qu’on a commencé à manger plus de viande ! On n’en mangeait pas tant que ça à la campagne avant, une fois par semaine, peut être…On a tué les veaux et on se les partageait. On a commencé à faire des conserves de légumes mais surtout de viande, de charcuterie ! Quand ce n’était pas réquisitionné par les Allemands !
Dans la résistance, après 44, il y a eu des règlements de compte, mais entre eux, alors : un commandant Leblanc, je crois, a descendu un gars de sa propre main, qui avait dénoncé le groupe. Mais ça c’était entre eux !
Certains résistants pouvaient se montrer stupides. Je me souviens qu’ils ont tiré une fois sur un side-car allemand à côté du bois où ils étaient cachés. Mais, un renard ne mange pas les poules près de la ferme où il a volé ! Alors le pauvre cycliste innocent qui passait par là, il a été tué par les Allemands.
Là, ils ne réfléchissaient pas, certains n’avaient pas de métier et atterrissaient là…quand ils avaient une arme, alors on ne pouvait pas les contrôler tous ! »
Témoignage Mme Herrou
En 44, j’avais 21 ans. J’habitais dans le bourg, chez mes parents. Après la messe, ce dimanche matin, je suis rentrée chez moi. On savait que les Américains arrivaient de Guiclan et qu’ils passaient par le moulin de Pra Guen. Ils prenaient la route de Luzec pour aller à la gare. On était entre jeunes. On a couru jusqu’à Prad- Gwen pour les voir. On est rentré chez nous le soir. On avait fait une tranchée sous un tas de foin au cas où… La kommandatur était dans la salle de notre bistrot. Je n’ai pas trouvé les Allemands plus énervés.
Témoignage de Mme Messager
J’étais à Kerfeulz avec mes parents. J’avais 24 ans. Les Américains sont passés devant pendant deux heures. Ils ont défoncé la route ! Ils venaient de Pleyber-Christ par le Vallon du Pont et ils allaient sur St Pol. Le matin, on avait entendu des bombes et vers 10H on nous avait dit qu’ils arrivaient. Ils nous ont lancé des chewing-gums, ont lancé des sous à ceux qui leur donnaient de l’alcool. Ils savaient pas combien ils donnaient ! On était tous gais, contents. Le lundi, quand on a entendu les bombes, on s’est caché dans la grange. On savait que ça n’allait pas durer. Il y avait beaucoup trop d’Américains.
On a fêté notre libération le dimanche. Les hommes avaient bu plus que de raison. On dansait. Mais la vie continuait : le soir, il fallait bien traire les vaches et le lundi travailler ! Les Allemands ont été ramassés à Sainte-Sève. On les voyait au bord de la route en train de rendre leurs armes. On sortait pas de chez nous. Le lundi matin quand on a fait nos courses à la boulangerie Robin, on ne parlait que de ça.
Témoignage de Mme Jaffrès
J’habitais à Coat Bras avec ma famille. J’avais 19 ans. J’ai vu les Américains arriver. Je me souviens que je portais une blouse rouge et blanche. J’étais folle de joie. On les entendait arriver dans les bois. C’était un vacarme formidable. Il y avait une grande poussière car les routes n’étaient pas goudronnées. Ils s’arrêtaient un peu partout et nous jetait des chewing-gums. On était comme des enfants alors qu’on avait du travail à faire (trois frères prisonniers). Mes parents me disaient : « Ne ramasse pas ça ! » Ils avaient peur qu’il y ait des surprises malfaisantes. On ne savait pas au juste qui était dans notre cour. On ne les écoutait pas. On avait jamais vu ça. On ne pouvait pas s’acheter de bonbons. Il y avait le chien qui était copain avec les Américains. Il était joyeux. Il sentait l’odeur des soldats comme celle de mes frères. Les Américains lui donnaient des bonbons aussi. Les soldats Américains étaient heureux. Ils disaient : « Américains, Américains ! ». On les entendait parler sans comprendre. Mon père essayait de parler avec eux. Il était plus hardi que nous ! Mais il était méfiant. Les tanks ont démoli la route. Nos frères allaient rentrer, on était folles de joie. Le soir on est venu à Taulé pour voir le bal sur la place à l’école des garçons. Tout le monde était heureux. On avait trinqué. Mon père était content qu’on y aille alors que d’habitude il y avait du travail !»
Avant la libération
« Après le débarquement, les Allemands devenaient beaucoup plus méchants. Ils avaient peur. »
« On voulait retourner vers la gare à St Pol, c’est là que j’habitais. Je savais qu’il y avait du grabuge à ce moment-là. J’ai vu la file d’Allemands remonter vers la cathédrale. Et alors j’ai vu leurs armes braquées sur ma sœur et moi, on a pu se réfugier dans une maison. Une dame nous a dit d’entrer. Ils ont couru pour nous rattraper mais ils ne nous ont pas trouvées mais ils ont tiré quand même. Si on était resté là, ils nous auraient tiré dessus ! Parce que là, ils attendaient, quoi… »
Mme S.
« Il y avait tellement de flou dans les relations …Les Allemands avaient un art de la guerre plus fort et plus précis que celui des résistants qui n’avaient que leur courage et qui étaient mal organisés. Des fois ça tombait bien, des fois ça tombait mal. »
M. A.
« Moi je sais que, avec mes parents on croyait que les Américains arrivaient à Sibiril et on est allé tous au bourg. Mais avant d’arriver, on a su que c’étaient les Allemands. On s’est tous allongés au vieux cimetière. On les a vus passer sur Cléder. C’est là qu’ils ont fait des dégâts. Les Allemands sont arrivés chez le docteur et ont pris les 3 clients et les ont fusillés. »
Mme B.
Comment avez-vous su que le débarquement avait eu lieu ?
« Les anglais avaient fait de la propagande ils avaient jeté des tracts dans la nuit d’avant des avions pour prévenir de la libération. C’était de Gaulle. J’ai lu l’appel du 18 juin et je l’ai caché vite, vite… mais les rats et les souris les ont mangés. On n’a rien retrouvé. »
Mme P.
« Il y avait des endroits où on pouvait entendre les postes radio… »
M. A.
« Certains résistants avaient des postes radios et c’est comme ça qu’on savait ! »
Mme S.
« Moi j’ai travaillé pour les Allemands chez moi, je faisais des trous dans les bois pour cacher les armes. Pas moi, j’étais petit mais j’aidais mon père. Je me rappelle que les Américains sont passés par chez moi. La route du Relecq à Plounéour était barrée. On a un peu discuté avec eux mais fallait se méfier des Allemands qui tiraient et qui étaient éparpillés dans la nature. »
M. M.
Et comment avez-vous su que vous alliez être libérés ?
« Après le débarquement, on avait espoir. On écoutait les radios. On se réunissait le soir avec les voisins pour écouter. On a appris la veille (le 5 août) que nous allions être libérés. »
« Quand les Américains ont débarqué, on avait su le jour avant par les radios clandestines et par le bouche à oreille après. On entendait les échos des canons de chez nous. Ca faisait loin de Normandie quand même ! Mais on savait que c’était des armes lourdes! C’était pas le même bruit que les Allemands. On savait qu’ils étaient arrivés. »
M. C.
L’arrivée des Américains à Saint-Thégonnec
« J’habitais loin du bourg. Les voisins nous avaient prévenus. Ca faisait drôle. »
Mme P.
« Je croyais au départ que c’était les Allemands qui arrivaient. Ca faisait drôle ! J’avais 22 ans. »
Mme M.
« J’ai découvert le chewing-gum ce jour-là ! Je me rappelle plus du parfum, mais on a commencé à tirer dessus! Je sais plus quel parfum c’était! »
Mme M.
« Les Allemands étaient cachés dans les champs quand les Américains sont arrivés. Ils surveillaient. Des français se cachaient aussi. Il fallait faire attention si les Allemands nous voyaient parler aux Américains. On se méfiait. Les Allemands étaient mauvais. Les Américains ont monté la route du Vallon vers Kroaz-Sav-Heol. »
Mme L.
« On était à Prad Gwen. Les Américains arrivaient de Guiclan. Ils ont tourné au Luzec pour aller à la gare (centre de ravitaillement). Les Allemands étaient au bourg. »
Mme H.
« On avait fait une ronde dans la cour. »
« On était heureux : Ça voulait dire que les prisonniers reviendraient. »
« Mlle Kerdilès, la fille du vétérinaire de Pleyber parlait anglais alors elle a guidé les Américains. »
Mme R.
« Je me rappelle qu’on a abandonné des enfants au bord de la route et moi je les ai recueillis et élevés comme si c’étaient les miens. Je n’avais aucune aide je les ai élevés avec mes sous et l’aide de mon frère prêtre. »
Mme F.
« On a vu de tout ! Quand on a dit que les Allemands arrivaient, on a fait une tranchée sous le tas de foin, ils prenaient tout avant de fuir. Les Allemands ont fouillé toutes les maisons.On en laissait un peu quand même pour qu’ils trouvent quelque chose. Ils ont été dans la salle de bistrot pendant longtemps. Ils mettaient leurs chevaux dans nos écuries et venaient nous voir traire les vaches. C’était comme ça. »
Mme H.
« On est venus à Prad Gwenn pour voir les Américains qui sont passés par le Herlan pour arriver à la gare. Ça fait qu’après on est resté là pour les voir traverser. Après on s’est mis à chanter et à danser. »
Dans les communes alentour
« C’était confus autour de nous, j’avais 14 ans. Il y a avait des choses inventées et contraires qu’on ne pouvait pas croire. Tous les bruits circulaient… »
Mme L. B.
« D’abord, le matin, des patriotes sont arrivés chez moi, ils étaient dans le bois à côté de chez moi, mais les Allemands, ils étaient dans le village aussi et nous on avait peur qu’ils arrivent en même temps. Parce qu’on aurait été pris comme otages, ça c’est sûr! Quand ils sont partis les patriotes, je leur ai dit :« Dépêchez-vous, parce que on n’est pas sûr avec vous, vous avez des armes avec vous… Si vous êtes pris … » parce qu’on aurait été fusillé, ça c’est sûr ! Ils ne sont pas restés trop longtemps … »
M. C.
« Je me suis retrouvée à accompagner malgré moi un groupe d’Allemands qui remontait la rue Gambetta à Morlaix, vers la gare, mais ils étaient calmes, je n’ai pas eu peur. »
Mme W.
« Quand les Américains sont arrivés ils sont venus chez nous à Roc’h Toull! Il fallait les laisser ils faisaient comme ils voulaient ! J’étais jeune, je me rappelle pas beaucoup ; on ne savait pas tout. On a su plus après avec les films, les livres. »
Mme M.
« Quand il y avait des sabotages, on avait peur des représailles. »
« Il y avait des colonnes et des colonnes et il fallait quelqu’un d’instruit pour les guider, sur qui on pouvait compter.
Mon frère avait entendu dire qu’ils arrivaient à Kroaz-Sav-Heol et il avait dit à un copain d’aller les regarder passer. Mais ils se sont rendu compte que c’étaient des Allemands et pas des Américains et sont rentrés vite chez nous par les « ribins ». C’était Jean Louis Le Saint qui a 90 ans maintenant. »
Mme P.
« Les Allemands, ils voulaient se battre sur la route et ils réquisitionnaient des gens de Commana pour creuser des trous individuels le long de la route du Relecq à Trédudon à hauteur d’homme, mais ils ne s’en sont pas servis beaucoup, ce n’était pas si efficace que ça. »
M. A., M. C. et M. M.
« Ils m’ont caressé les cheveux. J’avais 8 ans. »
M. C.
Après la libération :
« Ca a été long. On pensait à la liberté. Je voyais mes cousins de Brest qui venaient chez nous pour chercher de la nourriture. Je me souviens qu’une fois, ma mère leur avait fait des frites. Ils avaient fait une telle ventrée qu’ils étaient tombés malades. »
« On était heureux mais pas sûrs de notre liberté tant que le reste de la Bretagne n’était pas libéré. On pouvait voir sur les hauteurs les chapelets de bombes qui tombaient sur Brest et on entendait leur bruit. On reconnaissait le bruit des avions. »
« A la libération, on a récupéré de l’argenterie, les choses de valeur qu’on avait cachées. »
« Les prisonniers de guerre sont revenus. Je me souviens que les premiers sont arrivés le jour du pardon de Rumengol. On sonnait les cloches pour fêter leur retour. »
« Le premier qui a été libéré c’était les plus jeune de Saint-Thégonnec aussi, il avait 25 ans à peu près, C’était Jean Louis Saoût. »
Mme R.
« Ce n’était pas tout à fait un sentiment de paix parce qu’on avait peur. »
Mme P.
« Mon père était prisonnier. Nous on était à Berrien et les jeunes gens ont dû aller à Brest à pied de peur d’être attrapés par les Allemands. Il y avait des résistants partout cachés dans les tas de fougère, j’avais 10 ans. Je me rappelle bien de ça. Beaucoup de monde allait sur Brest.»
Mme C.
« En descendant du train, ils pouvaient aller voir leurs enfants à l’école… »
Mme C.
« Le dernier prisonnier à être libéré à Guiclan le 5 août était attendu par tout le monde au bourg : François Maurice. »
Mme S.
« Ils venaient par le train. Moi j’étais à l’école à Morlaix à Notre Dame de Lourdes, j’apprenais la couture. Je rentrais le samedi à la maison, je disais ce que j’osais dire. »
Mme P.
« Ceux qui avaient des enfants en pension ils avaient le droit d’aller tout de suite les voir. »
Mme C.
« Le dernier prisonnier du Cloitre, il était le plus jeune aussi, il est arrivé deux mois après les autres. On lui a sonné les cloches. »
M. C.
« A François aussi, le carillon ! »
Mme K.
« Il faut dire que les Allemands avaient réquisitionné des charrettes et des chevaux pour emmener un tas de trucs et ça c’était en même temps. »
M. A.
« En 44 ils ont libéré la Provence par l’Afrique et l’Italie. Ils ont fêté ça le 15 août. La Provence a été libérée 2 mois après le débarquement de Normandie. »
M. D.
« Jean Louis Saout a devancé son appel pour s’engager et finir plus tôt. C’était mon cousin, il a enseigné l’allemand à la Croix rouge il parlait bien l’allemand quand il était prisonnier, il avait dû apprendre. Il pouvait traduire les lettres qu’il recevait de là où il avait été prisonnier. »
Mme P.
« Le mari d’une personne de Kermat a été sauvé grâce à une qui allait avec les Allemands … parce qu’il aurait été fusillé! La famille lui avait payé à la fin de la guerre une petite maison pour la remercier, mais à la libération, elle a été trainée dans le bourg devant tout le monde et rasée. Elle a été reconnue par la suite et a pu rester vivre dans sa petite maison à Saint-Thégonnec. »
Mme K.
« Une de Santec qui travaillait pour les Allemands elle a été rasée par un cousin à elle, mais il fallait bien travailler !!! Faire ça entre Français! »
Mme B.
« Même dans les familles les gens ne pensaient pas pareil. Vivre ensemble après la guerre… »
M. C.
« Après la guerre les gens étaient en colère les uns contre les autres. Même dans les familles ….Les gens qui avaient été à la guerre de 14/18 ils aimaient Pétain… il y avait des fractures dans les générations … Au début certains étaient pour Pétain. En 44 ils étaient pour de Gaulle !»
Mme K.
« Même ceux qui s’occupaient des chevaux des Allemands, on le leur a reproché, mais il fallait bien travailler ! »
Mme B.
« Il y avait du pour ou du contre …De Gaulle, il n’a pas supporté que Pétain se soit résigné aussi vite… »
M. D.
« C’est De Gaulle qui a réussi à faire s’entendre tout le monde. Sans lui on aurait eu la guerre civile. »
M. C.
« Les Américains, ils nous auraient bien envahis s’il n’avait pas été là. »
M. A.
« J’allais de Sibiril à Cléder à vélo et voilà qu’on m’arrête et c’était des Français ! On regarde mon panier… la dame du bistrot à côté leur a dit la fille de qui j’étais… ils ont tout remis dans mon panier et mon père est allé les trouver !!! C’étaient des gens qui collaboraient avec les Allemands…mon père les connaissait. Ce n’était pas des résistants… »
Mme B.
« Des voleurs que c’étaient ! Il y a des patriotes qui sont arrivés dans une maison de Pleyber. Ils étaient masqués et menaçaient les habitants en leur demandant des fusils. Mais le père les a reconnus tous et une fois le fils a vu l’un d’eux au bal au Cloitre, il l’a emmené dehors pour lui mettre une dérouillée : « Ça t’apprendra à venir chercher des fusils chez moi ! » Ceux-là se disaient résistants mais si ça se trouve, ils vendaient les armes qu’ils avaient volées. »
M. C.
« On avait dit que ceux qui avaient des fusils devaient les emmener à la mairie. Mon père a refusé de donner le sien aux Allemands. Il l’a gardé et enterré dans le champ. Ah ! Il ne l’aurait pas envoyé aux Allemands !
Mais il n’a jamais retrouvé son fusil ! Peut-être qu’il a été surveillé… ou dit à quelqu’un … »
Mme B.
« Il avait des jeunes qui abusaient aussi, il y en avait un qui disait être résistant mais là, dans cette maison, il voulait avoir la voiture. C’étaient des frimeurs… Quand ils auraient une voiture, ils pourraient frimer davantage ! »
Mme K.
« Il y en a qui se sont enrichis et qui étaient pauvres avant la guerre et ils allaient voler dans les maisons. »
M. C.
« Il y en a, à qui on n’a rien fait et pourtant ils y avaient trafiqué pendant 4 ans avec les Allemands et on leur a rien fait. Ils donnaient tout ! on voyait l’officier allemand qui venait la veille et le lendemain, des chargements de patates qui partaient dans les camions. Tout ce qu’il y avait dans la ferme, tout était pour les Allemands. Alors on se disait, qu’après la guerre, ils auraient des embêtements mais on n’a rien fait ; ça s’est passé comme ça… »
Mme K.
« On aurait dû les déclarer même ! C’étaient des collabos ! »
M. C.
« Je me rappelle quand les Allemands allaient partir. Ils sont arrivés dans la nuit chez nous. Papa a ouvert la fenêtre voilà un soldat devant lui : « cheval, couverture, charrette ! »
Papa a dû aller avec eux. On n’a pas eu de nouvelles pendant 4 jours. Je me souviens qu’on allait au bourg pour avoir des nouvelles au bistrot qui travaillait avec les Allemands/ « ton père ne rentrera pas aujourd’hui… » à Lanvollon qu’il était !
Ils avaient été reçus avec les bonnes sœurs à Lanvollon et là ils avaient eu à manger et pu dormir quand même… »
Mme B.
« Mon père est allé jusqu’à Merdrignac ! Il est même passé devant sa maison et n’avait pas eu le droit de s’arrêter parce qu’après ils allaient sur Brest Ils réquisitionnaient tous les jours des gens pour aller comme ça avec eux. Moi j’avais 18 ans, j’avais peur d’être réquisitionné.
Les œufs ils en étaient friands, les Allemands. Dans les fermes ils s’en mettaient plein les poches et il y a en avait un de chez nous qui les frottaient les poches en blaguant « Ah bon camarade ! » Ca faisait une sacrée omelette ! »
M. C.
« Il y avait un prisonnier allemand qui dormait et mangeait dans la grange. On ne lui donnait pas grand-chose…
Chez nous les Américains avaient pris l’habitude de venir chaque semaine. Ils se mettaient dans un petit chemin là et tout le village venait on leur donnait des œufs et ils nous donnaient des boites de singe, du chocolat. On était fier. »
Mme K.
Plusieurs résidents ont exprimé leurs souvenirs de la fin de la guerre, de la libération.
Un témoignage visuel de cette époque, le « V » de la victoire, est resté intact au bas de la rue Lividic, sur la façade de la maison de Caroline qui intervient pour le chant et d’autres activités auprès des résidents à la Maison Sainte-Bernadette (photo de gauche). Cette maison était autrefois habitée par la famille de Lucie Abgrall, pendant longtemps bénévole ici à la Résidence. Elle détenait un commerce de fruits et primeurs et possédait un car qui se rendait chaque semaine au marché de Morlaix le samedi, à celui de Landivisiau le mercredi et le dimanche après midi, aux beaux jours, à Primel-Trégastel ou Locquirec, sans compter les promenades scolaires.
D’après les historiens, ce serait un ancien ministre belge devenu animateur à la radio anglaise BBC qui aurait demandé, dès 1941, à ses compatriotes de Belgique de dessiner sur les murs des « V » première lettre du mot « Victoire ». Bien vite, ces graffitis fleurissent aussi en Hollande et dans le nord de la France.
Peu après, on verra aussi Churchill faire avec la main le « V » de la victoire. Il répètera très souvent ce geste en public.
Plusieurs ont entendu, au moins dans des émissions à la télévision ou des films relatifs à la guerre, l’indicatif de Radio Londres : « Pom, Pom, Pom, Pooom ». Il s’agit des premières notes de la 5ème symphonie de Beethoven, mais ces trois premières notes brèves suivies d’une quatrième plus longue, c’est tout simplement la façon d’exprimer la lettre « V » en morse.
Si quelques « V » de la Victoire ont été peints ça et là, pendant la guerre, par des résistants, c’est surtout entre le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie et l’armistice du 8 mai 1945 que les « V » vont apparaître sur les murs en France, Certains avec la Croix de Lorraine (photo de droite) d’autres, comme à Saint-Thégonnec avec la « couronne » de laurier (photo de gauche).
Différentes personnes en âge de se souvenir de cette époque pensent que ce sont bien des membres de la résistance qui ont peint ces « V » ici à Saint-Thégonnec et que ceci a été fait probablement entre le repli des troupes allemandes sur Brest au moment de l’arrivée des américains ou immédiatement après leur arrivée, soit au début août 1944.
Les lauriers constituent depuis longtemps le symbole de la victoire, de la réussite, de la prospérité. Dans la Bible, il existe plusieurs allusions au laurier et à l’olivier. Au moment des Jeux olympiques antiques en Grèce, il y a presque 2800 ans, le vainqueur ne recevait pas de médaille, mais on le coiffait d’une simple couronne de laurier.
Dans la Rome antique, les généraux victorieux défilaient avec cet emblème sur la tête.
Lors de son sacre comme empereur, en 1804, Napoléon a porté une couronne de laurier en or.
Le mot « baccalauréat » vient du latin « bacca laurea » qui veut dire « couronne de laurier ».
L’expression « s’endormir sur ses lauriers » est bien connue. C’est se contenter de ses succès et arrêter là ses efforts. Autrefois, au 17ème siècle, on disait « se reposer sur ses lauriers ». Le sens était différent : on pouvait jouir d’un repos bien mérité après un succès.
Nous remercions énormément Alison Boilot, l’EHPAD Sainte-Bernadette, Patrick Le Merrer et les personnes anonymes qui nous ont fournies toutes ces photos qui immortalisent cette journée mémorable.